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Violences sexuelles sur les migrantes en France : un problème persistant

|Olivia PEREIRA BLANCO, étudiante en Master 2 Droit International et Européen à la Faculté de Droit, d’Economie et de Gestion de l’Université d’Angers.

Juin 2022 : une réfugiée ukrainienne de 21 ans déclare avoir été victime d’une agression et d’un viol dans un appartement à Boulazac (Dordogne). La police la retrouve seule et blessée. Or, cette affaire est loin d’être un cas isolé.

Source : Pexels, image libre de droit.

En effet, 75% des femmes immigrées ont été exposées à une forme de violences graves au cours de leur vie. Parmi elles, 46% dénoncent des abus perpétrés en France selon une enquête de la DSAFHIR (Droits, santé et accès aux soins des femmes hébergées, isolées, réfugiées) de 2019.

Alors que l’on pourrait penser que les violences subies par les femmes migrantes cessent lors de leur arrivée, il n’en est rien. Elles se poursuivent dans le pays d’accueil. Le HCR (l’Agence des Nations unies pour les réfugiés) le confirme dans ses principes directeurs de 2003, établissant une typologie des violences sexuelles vécues par les réfugiés, indiquant que ces violences peuvent survenir à tout stade : dans le pays d’origine, durant le transit ainsi que dans le pays d’accueil. Les femmes migrantes peuvent être confrontées à des formes diverses de violences sexuelles : viol, agressions sexuelles, abus sexuels, rapports sexuels en vue de survivre, prostitution forcée, exploitations sexuelles, violences conjugales, harcèlement sexuel, perpétuation de pratiques traditionnelles préjudiciables (les mutilations génitales féminines par exemple).

Les causes de cette persistance

Certains facteurs de risque rendent les femmes migrantes particulièrement vulnérables face aux violences en France (ces éléments sont développés dans la note du Conseil de l’Europe de 2021, les femmes migrantes en France et dans l’étude de France Terre d’asile de 2018, les violences à l’égard des femmes demandeuses d’asile et réfugiées en France).

Ainsi, la précarité administrative et économique les expose aux violences sexuelles. D’abord, l’engorgement des centres d’hébergement et des dispositifs d’urgence peuvent mener les femmes migrantes à dormir dans la rue ou dans des camps informels, ou bien à user d’un réseau de connaissances, créant une dépendance envers ce dernier. Le manque de moyens financiers oblige certaines migrantes à recourir au sexe transactionnel (parfois désigné comme « relations sexuelles en vue de survivre » par le HCR, la notion renvoie à l’échange de relations sexuelles contre des biens ou services). L’absence ou l’insuffisance de prise en compte des besoins sexo-spécifiques qui inclut le manque de formation des professionnels aux droits des femmes et/ou aux violences subies par les femmes (sexuelles ou sexistes), mais aussi le fait que les femmes non accompagnées ne sont pas considérées comme plus vulnérables face aux violences sexuelles nonobstant les recommandations de certaines institutions (rapport sur la situation des réfugiées et demandeuses d’asile dans l’Union européenne de 2016 du Parlement européen et de la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres).

De plus, les problèmes d’intégration englobant les difficultés en langue française, la perte des repères et le déracinement, l’acculturation limitée, peuvent mener à l’isolement, au déficit d’informations (surtout concernant les droits et ressources à disposition) et accroitre les risques.

Enfin, la vulnérabilité peut être aggravée en raison de circonstances personnelles (âge, identité, orientation sexuelle…) ou de problèmes de santé (physiques et psychologiques).

Source : Pexels, image libre de droit.

Les mesures dédiées aux migrantes victimes de violences sexuelles et leurs insuffisances

Dans un premier temps, les femmes migrantes victimes de violences sexuelles ont accès aux mécanismes de droit commun (notamment le dépôt de plainte, suivi éventuellement d’un procès pouvant mener à une condamnation. Pour en savoir plus, cliquez ici).

Également, des mesures spécifiques sont prévues pour les femmes migrantes dans des situations particulières. Par exemple, pour les femmes entrées en France par regroupement familial ou en qualité de conjointe d’un ressortissant français : étant en France du fait de leur situation conjugale, pour obtenir et maintenir leur droit au séjour, leur vie commune avec leur partenaire ne doit normalement pas être interrompue. Cependant, en cas de violences conjugales, la vie commune peut cesser et la victime pourra obtenir un titre de séjour indépendant (Art. L423-18 et Art. L423-5 du CESEDA). Pour cela, encore faut-il réussir à partir de chez soi, ce qui n’est pas chose aisée, comme en témoigne le documentaire Sortir de l’ombre de Gentille M. Assih.

Autre exemple : pour les victimes de traite d’êtres humains ou de prostitution forcée : il est pareillement possible de bénéficier d’un titre de séjour (Art. L425-1 du CESEDA).

De plus, du fait de leur vulnérabilité, les femmes migrantes victimes de violences sexuelles peuvent bénéficier de droits particuliers, comme l’attribution de places d’hébergement spécialisées durant l’étude de la demande d’asile ou une fois acceptée (évoquées dans le Rapport national 2021 du Point de contact français du REM, L’intégration des femmes migrantes).

En pratique ces mesures ne suffisent pas. Les femmes migrantes continuent d’être confrontées à différents obstacles dans l’exercice et l’accès effectif à leurs droits en cas de violences.

Des obstacles subsistent par exemple au moment de déposer plainte ou de témoigner, puisqu’il n’est pas toujours aisé de parler, mais aussi parce que la police refuse parfois les plaintes ou remet en cause la parole des victimes (illustrés dans les extraits du testing réalisé dans 137 commissariats et gendarmeries par la Cimade en 2018).

D’autres obstacles sont dus au manque de prise en compte des différents facteurs de vulnérabilités et des besoins spécifiques des femmes migrantes victimes de violences sexuelles.

Comme le recommande la Résolution du Parlement européen du 8 mars 2016 sur la situation des réfugiées et demandeuses d’asile dans l’Union européenne, il convient alors d’intégrer la dimension de genre aux politiques d’asile afin de percevoir les besoins sexo-spécifiques des migrantes et ensuite proposer des actions adaptées permettant d’atténuer les risques de violences sexuelles envers les femmes migrantes en France.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
lighthouseua (22 mai 2023). Violences sexuelles sur les migrantes en France : un problème persistant. The Lighthouse. Consulté le 27 mars 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/qw7m


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