Le pangolin en Chine, entre protection internationale et « consommation » nationale

|Lucile JARRY, étudiante en Master 2 Droit International et Européen à la Faculté de Droit, d’Economie, et de Gestion, Université d’Angers.

La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) est un accord intergouvernemental ayant pour but de veiller à ce que le commerce international des spécimens d’animaux et de plantes sauvages ne menace pas la survie des espèces auxquelles ils appartiennent. Le texte est entré en vigueur le 1er juillet 1975. Aujourd’hui, la CITES est un des accords sur la conservation qui a la plus large adhésion, avec 183 États parties, dont la Chine depuis 1981. C’est un des outils internationaux clés de coopération entre États qui visent à protéger la biodiversité de manière globale et coordonnée. En effet, réglementer le commerce international de certaines espèces, c’est lutter contre les trafics illégaux, notamment liés au fléau du braconnage.  

À ce titre, la CITES distingue entre trois catégories dans lesquelles sont classées les espèces protégées en fonction du degré de protection que les États pensent nécessaire de leur octroyer. Ainsi, cette Convention est un indice important de la mise en danger de certaines espèces. En effet, l’annexe II comprend toutes les espèces qui ne sont pas nécessairement menacées d’extinction mais dont le commerce doit être réglementé pour éviter une exploitation incompatible avec leur survie. Tandis que l’annexe I, la plus restrictive et interdisant tout échange commercial international, comprend toutes les espèces menacées d’extinction.  

Le pangolin en fait partie. C’est le mammifère le plus braconné du monde, le trafic de pangolin a augmenté de 150% depuis les années 1970 selon une étude internationale, publiée en juillet 2017 dans la revue Conservation Letters. Ainsi, selon l’Union Internationale pour la conservation de la nature (UICN), 200 000 pangolins sont tués chaque année et 56 pays seraient impliqués dans son trafic. Selon l’organisation environnementale américaine, WildAid, l’espèce est en déclin de 94% depuis les années 1960. 

La nécessité de le protéger, évidente, a été affirmée à plusieurs reprises. Ainsi, les pangolins chinois, malais et philippins figurent parmi les espèces en danger critique d’extinction sur la liste rouge de l’UICN, autre outil important et représentatif du risque d’extinction de certaines espèces. De plus, au début de l’année 2017, le pangolin s’est vu offrir la protection la plus élevée de la CITES, inscrit désormais à l’Annexe I de la CITES. 

Cependant, alors que cette Convention a été conçue dans un esprit de coopération internationalele pangolin a continué d’être utilisé légalement en Chine. En effet, selon la decine traditionnelle chinoisesa chair soulagerait les rhumatismes, son sang favoriserait la circulation sanguine, sa bile soignerait la vue et ses écailles auraient un effet thérapeutique. C’et pour ces mêmes raisons que le pangolin est victime d’un trafic international illégal alors que depuis 1989, il était interdit d’acheter, de transporter ou de vendre cet animal sauf autorisation.  

C’est une incohérence qui saute aux yeux que d’ériger un animal en espèce menacée d’extinction bénéficiant de la protection la plus élevée en droit international tout en continuant à l’utiliser sur un territoire national, chinois en l’occurrence, pour les mêmes raisons que celles pour lesquelles il est braconné dans le monde.  

Bien sûr, la CITES ne tient pas lieu de loi nationale. Elle constitue plutôt un cadre que chaque État se doit de respecter et qui ne réglemente que le commerce international. Cependant, la Convention a adopté des résolutions et décisions qui touchent au commerce et à l’utilisation des espèces protégées au niveau national, lorsque c’est nécessaire pour soutenir la réglementation du commerce international. Ainsi, les États parties doivent être pourvus de législations nationales cohérentes avec les principes et buts protégés par la Convention.  

En l’espèce la Chine a une Loi de protection des animaux sauvages de la République populaire de Chine. Cependant, à plusieurs reprises, les organes de la CITES ont interpellé la Chine concernant certaines mesures incompatibles avec les buts et principes qu’ils se doivent pourtant de suivre en vertu de la CITES. Ce fut ainsi le cas concernant la Circulaire du Conseil d’État chinois, intitulée « Contrôle strict de l’utilisation des rhinocéros et des tigres de leurs produits », conformément à laquelle la Chine facilitait l’application de la politique nationale concernant des questions telles que la recherche médicale et le traitement clinique, le transport de spécimens à des fins de recherche scientifique et d’échanges culturels. C’est souvent dans le cas de ces « utilisations scientifiques et médicales » que la Chine contrevient à ses obligations. Rappelons qu’en Chine, la consommation et le commerce d’espèces sauvages génère près de 100 milliards d’euros par an. 

Ce n’est qu’après l’apparition de la crise sanitaire et le le qu’aurait joué le pangolin en tant qu’hôte intermédiaire du SARS-Cov-2 que la Chine a décidé de renforcer sa protection. En effet, le 5 juin 2020, l’Administration chinoise des Forêts et des Prairies a annoncé qu’elle faisait passer la protection des pangolins indigènes chinois de la deuxième à la première classe de la Loi sur la protection de la faune, soit le même niveau de protection que celui du panda géant. Le 9 juin 2020, la Chine fait un pas de plus et retire officiellement l’écaille de pangolin de la Pharmacopée de la médecine traditionnelle chinoise 2020 : il sera désormais interdit d’utiliser les écailles de pangolin à des fins thérapeutiques. Ces deux décisions redonnent de l’espoir pour la survie du pangolin. Ainsi, le Fonds international pour la protection des animaux a salué « la décision de la Chine d’accorder aux pangolins les plus hautes protections et de contribuer à sauver l’animal de l’extinction grâce à ces deux décisions ».  

Il reste à voir si ces décisions seront suivies d’effet sur le terrain ou si le commerce du pangolin continue de manièrillégale. En attendant, on peut espérer que cette avancée significative puisse servir d’exemples pour d’autres espèces sauvages menacées. Et on peut, en tant que citoyen, agir pour le Pangolin, grâce à l’initiative « Save Pangolins ». 



Citer ce billet
lighthouseua (2021, 15 mars). Le pangolin en Chine, entre protection internationale et « consommation » nationale. The Lighthouse. Consulté le 28 mars 2024, à l’adresse https://doi.org/10.58079/qw73

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